In pursuit of happiness (with you)
Il ne m'avait laissé aucun indice, il n'avait émis aucune consigne concernant un habit de circonstance. Il avait juste dit, je viendrai te chercher à midi pile à l'hôpital, il ne faudra pas être en retard!
Une pluie glaciale battait le pavé, le vent s'enroulait dans mes cheveux, je ne pouvais pas mettre la jolie robe au plastron plissé, il faisait trop froid. J'ai enfilé une veste en laine, celle avec le revers des manches rayé, sur une robe très simple et j'ai choisi les ballerines rouge vernis sur les collants noirs et épais. Je tenais à ce que personne ne se doute au travail que j'avais un rendez-vous que je pressentais ravissant, au sens où il allait m'emporter.
J'ai travaillé fiévreusement toute la matinée, ne laissant rien paraître de mon impatience et je me suis échappée à midi moins une, échevelée, sans même prendre le temps de mettre cette veste en laine ni d'ouvrir le parapluie pour le rejoindre dans la voiture près des grilles de l'hôpital. J'ai enfoui mon visage dans le col de sa chemise très anglaise.
La voiture avançait obstinément sous la pluie battante et j'éliminais les diverses destinations possibles en voyant s'éloigner les panneaux verts de direction. Je n'ai posé aucune question. Il n'y avait ni musique ni radio, juste nos voix presque surprises de partager un moment volé au travail respectif de chacun.
Bientôt, au bord d'un virage, sous des trombes d'eau, nous avons vu la mer, bondissante d'écume. Bientôt, au bord des lèvres, il y eut un sourire parce que j'avais compris que nous allions déjeuner au Coquillage (vous en souvenez-vous?)
Le champagne fut servi dans le petit salon par un garçon à grandes lunettes avenant et plein de bonnes manières. Bien installée sur le canapé tendu de velours or et grenat, j'ai bien aimé les petites crevettes grises, le maquereau mariné posé sur un galet, la sardine et le sarrasin. On entendait la pluie tranquillement sur les grandes fenêtres.
Dans la salle de déjeuner, il y a toujours cette population hétéroclite d'enfants chanceux qui guettent avec impatience le moment du dessert, de familles empesées, de vacanciers nonchalants et, à chaque fois, une dame ou un monsieur s'attablant seuls devant une assiette de homard, face à la mer.
De ce déjeuner, il me reste des couleurs: l'éclat des zestes de cumbava sur les belles huîtres, le rose profond de l'acidulée de groseilles du jardin qui entourait le pigeonneau très précisément cuit, le vert franc et frais des petits pois, le reflet argenté des sardines sur les couleurs sourdes, terrestres, de la salade de tomates.
Comme la première fois, je suis restée fascinée par le charme désuet du grand chariot des desserts dirigé presque timidement par le pâtissier au sourire discret. J'ai choisi un sablé breton au citron et aux fruits rouges, une tarte chocolat-caramel, une crème à la menthe fraîche avec un coulis de groseille et un abricot poché, un millefeuille à la vanille et une profiterole (j'aime surtout voir la pâtissier saisir le chou avec sa grande pince, en ôter le chapeau, former d'un geste souple la quenelle de glace à la vanille et la déposer en équilibre sur le chou, replacer le chapeau avec la pince et verser gracieusement la sauce au chocolate maintenue tiède sur un réchaud vintage).
La salle s'était vidée, mon sentiment de ravissement n'avait pas faibli. Quand une jeune femme est venue proposer des cafés, j'ai été aspirée par la gourmandise et, encouragée par un sourire de G. qui n'aime rien tant que les occasions où je laisse mon surmoi de côté, j'ai demandé dans un souffle si je pouvais avoir une autre profiterole. Cela a paru absolument naturel voire charmant à tout le monde, G. s'est laissé tenté par un pavé griottes-chocolat blanc et j'ai admiré cette profiterole solitaire, posée sur la grande assiette blanche, avec le chocolat velouté qui dévale du sommet du petit chou et s'étale lentement, dessinant une belle surface sombre et soyeuse.
Après ce déjeuner complètement décadent, nous avons marché longtemps dans le parc qui entoure le château Richeux. G. avait prévu dans des grands sacs les tennis et les cirés de rigueur. Nous avons déambulé dans le verger, longé l'eau, découvert des balançoires suspendues aux arbres immenses. Il ne pleuvait plus quand nous avons rejoint la pinède, il y avait un petit banc à l'abri du vent, avec vue sur le large et nous nous sommes endormis.
Plus tard, je n'ai cessé de le remercier pour cette journée particulière; avant je n'aimais pas trop les anniversaires.
BONUS!
La cerveau en ébullition après une journée de travail cependant interrompue par ce que G. et moi décrétons comme le meilleur carrot cake de Rennes (j'en reparlerai!), je ne connais pas meilleure source de consolation qu'une jolie librairie. Je clignais des yeux (épuisés) sur les étagères quand j'ai découvert le dernier opus de la délicieuse Isabelle Boinot (ce n'est pas une parole en l'air, j'ai pu le constater un soir à la Cocotte) qui a constitué ce soir une parfaite source de réconfort. Je ne vois pas très bien comment ses recettes à emporter entièrement dessinées pourraient vous laisser insensibles un soir d'été (elle vous donne le secret de ses madeleines ail-coriandre, de ses onigiri au saumon, de ses flans à l'amande et de ses shortbreads aux pépites, entre autres) mais si cela ne suffit pas, sachez qu'elle vous apprendra aussi à faire une boîte en papier carré si jamais vous vouliez offrir joliment vos shortbreads, justement. Et,pour les fans curieux, elle révèle même la liste de ses produits préférés.
Ne vous paraît-il pas désormais aussi indispensable qu'à moi?
Une pluie glaciale battait le pavé, le vent s'enroulait dans mes cheveux, je ne pouvais pas mettre la jolie robe au plastron plissé, il faisait trop froid. J'ai enfilé une veste en laine, celle avec le revers des manches rayé, sur une robe très simple et j'ai choisi les ballerines rouge vernis sur les collants noirs et épais. Je tenais à ce que personne ne se doute au travail que j'avais un rendez-vous que je pressentais ravissant, au sens où il allait m'emporter.
J'ai travaillé fiévreusement toute la matinée, ne laissant rien paraître de mon impatience et je me suis échappée à midi moins une, échevelée, sans même prendre le temps de mettre cette veste en laine ni d'ouvrir le parapluie pour le rejoindre dans la voiture près des grilles de l'hôpital. J'ai enfoui mon visage dans le col de sa chemise très anglaise.
La voiture avançait obstinément sous la pluie battante et j'éliminais les diverses destinations possibles en voyant s'éloigner les panneaux verts de direction. Je n'ai posé aucune question. Il n'y avait ni musique ni radio, juste nos voix presque surprises de partager un moment volé au travail respectif de chacun.
Bientôt, au bord d'un virage, sous des trombes d'eau, nous avons vu la mer, bondissante d'écume. Bientôt, au bord des lèvres, il y eut un sourire parce que j'avais compris que nous allions déjeuner au Coquillage (vous en souvenez-vous?)
Le champagne fut servi dans le petit salon par un garçon à grandes lunettes avenant et plein de bonnes manières. Bien installée sur le canapé tendu de velours or et grenat, j'ai bien aimé les petites crevettes grises, le maquereau mariné posé sur un galet, la sardine et le sarrasin. On entendait la pluie tranquillement sur les grandes fenêtres.
Dans la salle de déjeuner, il y a toujours cette population hétéroclite d'enfants chanceux qui guettent avec impatience le moment du dessert, de familles empesées, de vacanciers nonchalants et, à chaque fois, une dame ou un monsieur s'attablant seuls devant une assiette de homard, face à la mer.
De ce déjeuner, il me reste des couleurs: l'éclat des zestes de cumbava sur les belles huîtres, le rose profond de l'acidulée de groseilles du jardin qui entourait le pigeonneau très précisément cuit, le vert franc et frais des petits pois, le reflet argenté des sardines sur les couleurs sourdes, terrestres, de la salade de tomates.
Comme la première fois, je suis restée fascinée par le charme désuet du grand chariot des desserts dirigé presque timidement par le pâtissier au sourire discret. J'ai choisi un sablé breton au citron et aux fruits rouges, une tarte chocolat-caramel, une crème à la menthe fraîche avec un coulis de groseille et un abricot poché, un millefeuille à la vanille et une profiterole (j'aime surtout voir la pâtissier saisir le chou avec sa grande pince, en ôter le chapeau, former d'un geste souple la quenelle de glace à la vanille et la déposer en équilibre sur le chou, replacer le chapeau avec la pince et verser gracieusement la sauce au chocolate maintenue tiède sur un réchaud vintage).
La salle s'était vidée, mon sentiment de ravissement n'avait pas faibli. Quand une jeune femme est venue proposer des cafés, j'ai été aspirée par la gourmandise et, encouragée par un sourire de G. qui n'aime rien tant que les occasions où je laisse mon surmoi de côté, j'ai demandé dans un souffle si je pouvais avoir une autre profiterole. Cela a paru absolument naturel voire charmant à tout le monde, G. s'est laissé tenté par un pavé griottes-chocolat blanc et j'ai admiré cette profiterole solitaire, posée sur la grande assiette blanche, avec le chocolat velouté qui dévale du sommet du petit chou et s'étale lentement, dessinant une belle surface sombre et soyeuse.
Après ce déjeuner complètement décadent, nous avons marché longtemps dans le parc qui entoure le château Richeux. G. avait prévu dans des grands sacs les tennis et les cirés de rigueur. Nous avons déambulé dans le verger, longé l'eau, découvert des balançoires suspendues aux arbres immenses. Il ne pleuvait plus quand nous avons rejoint la pinède, il y avait un petit banc à l'abri du vent, avec vue sur le large et nous nous sommes endormis.
Plus tard, je n'ai cessé de le remercier pour cette journée particulière; avant je n'aimais pas trop les anniversaires.
BONUS!
La cerveau en ébullition après une journée de travail cependant interrompue par ce que G. et moi décrétons comme le meilleur carrot cake de Rennes (j'en reparlerai!), je ne connais pas meilleure source de consolation qu'une jolie librairie. Je clignais des yeux (épuisés) sur les étagères quand j'ai découvert le dernier opus de la délicieuse Isabelle Boinot (ce n'est pas une parole en l'air, j'ai pu le constater un soir à la Cocotte) qui a constitué ce soir une parfaite source de réconfort. Je ne vois pas très bien comment ses recettes à emporter entièrement dessinées pourraient vous laisser insensibles un soir d'été (elle vous donne le secret de ses madeleines ail-coriandre, de ses onigiri au saumon, de ses flans à l'amande et de ses shortbreads aux pépites, entre autres) mais si cela ne suffit pas, sachez qu'elle vous apprendra aussi à faire une boîte en papier carré si jamais vous vouliez offrir joliment vos shortbreads, justement. Et,pour les fans curieux, elle révèle même la liste de ses produits préférés.
Ne vous paraît-il pas désormais aussi indispensable qu'à moi?
Libellés : en balade, Isabelle Boinot, le Coquillage, livres