This is all about Berlin (un feuilleton estival) (3)
//Sur le chemin des cafés//
Le dimanche, une foule dense, hétéroclite mais unanime, se presse sur la ligne 2 du métro. A la station Eberstrasse, les wagons se vident et tous les passagers prennent la même direction, sur la droite, vers l'immense marché aux puces du Mauerpark, au nord de la ville. Là, en plein air, entre les touristes qui marchandent maladroitement un objet qu'ils oublieront parfois à l'hôtel et les autochtones qui repartent avec une table basse sous le bras, au-delà de la (fausse) bonne affaire à conclure, je finis par ressentir un inévitable malaise. Tous ces objets abandonnés me laissent entrevoir autant de vies marquées par une séparation, une disparition, le travail du temps. A qui appartenait ce cartable en cuir avec ses tâches d'encre, ce grand canapé en velours râpé, ce miroir rond peu flatteur, ce tampon-dateur, ce robot ménager, cette machine à écrire rayée, ces poupées russes, ces petites cuillères, et tous ces appareils photos qui suscitent ce matin-là l'intérêt de nombreux touristes français? Je profite de l'absence d'un vendeur pour faire un polaroïd de petits personnages en bois désuets, c'était plutôt joli mais ce cliché a disparu, je le cherche depuis trois jours...
Nous avons résisté, sans trop de difficulté il faut l'avouer, aux diverses propositions alimentaires qui ponctuent la déambulation embouteillée de rigueur et nous n'avons donc pas du tout goûté aux soupes, aux gaufres, aux crêpes, aux sandwiches turcs, aux jus de grenades et aux petits biscuits, nous réservant pour le déjeuner que j'avais prévu de faire au Slörm Café.
Depuis le Mauerpark, il faut revenir vers la station de métro puis emprunter la très large Danzigerstrasse, sur son côté gauche, en admirant les façades colorées des immeubles et une librairie de cinéma visiblement bien achalandée mais fermée.
Au Slörm, côté comptoir, on s'assoit sur des fauteuils de cinéma en velours rouge rabattables tandis que dans la pièce du fond, en compagnie d'un aquarium et d'un couple d'aras bien élevés, quelques fauteuils s'organisent autour de caisses en bois qui font usage de tables basses dans un certain respect de l'inachèvement assûmé. Le chocolat chaud se choisit au lait, blanc ou très noir, le petit sandwich chaud au chèvre et aux figues, avec du miel et de la roquette se grignote en discutant de l'après-midi à venir mais une fois sa dernière miette avalée, on est tellement bien entre les grandes oreilles des fauteuils à velours ras, qu'on a soudain très envie de faire une petite sieste, juste comme ça.
A quelques rues du Slörm, un après-midi lors duquel nous déambulions dans Prenzlauer Berg, nous nous sommes arrêtés au café CK où un garçon s'appliquait à verser lentement de l'eau bouillante sur son café filtre. Ça sentait terriblement bon. Le matcha est délicieux aussi.
Slörm Danzigerstrasse 53
Café CK Marienburgerstrasse 49
Le dimanche, une foule dense, hétéroclite mais unanime, se presse sur la ligne 2 du métro. A la station Eberstrasse, les wagons se vident et tous les passagers prennent la même direction, sur la droite, vers l'immense marché aux puces du Mauerpark, au nord de la ville. Là, en plein air, entre les touristes qui marchandent maladroitement un objet qu'ils oublieront parfois à l'hôtel et les autochtones qui repartent avec une table basse sous le bras, au-delà de la (fausse) bonne affaire à conclure, je finis par ressentir un inévitable malaise. Tous ces objets abandonnés me laissent entrevoir autant de vies marquées par une séparation, une disparition, le travail du temps. A qui appartenait ce cartable en cuir avec ses tâches d'encre, ce grand canapé en velours râpé, ce miroir rond peu flatteur, ce tampon-dateur, ce robot ménager, cette machine à écrire rayée, ces poupées russes, ces petites cuillères, et tous ces appareils photos qui suscitent ce matin-là l'intérêt de nombreux touristes français? Je profite de l'absence d'un vendeur pour faire un polaroïd de petits personnages en bois désuets, c'était plutôt joli mais ce cliché a disparu, je le cherche depuis trois jours...
Nous avons résisté, sans trop de difficulté il faut l'avouer, aux diverses propositions alimentaires qui ponctuent la déambulation embouteillée de rigueur et nous n'avons donc pas du tout goûté aux soupes, aux gaufres, aux crêpes, aux sandwiches turcs, aux jus de grenades et aux petits biscuits, nous réservant pour le déjeuner que j'avais prévu de faire au Slörm Café.
Depuis le Mauerpark, il faut revenir vers la station de métro puis emprunter la très large Danzigerstrasse, sur son côté gauche, en admirant les façades colorées des immeubles et une librairie de cinéma visiblement bien achalandée mais fermée.
Au Slörm, côté comptoir, on s'assoit sur des fauteuils de cinéma en velours rouge rabattables tandis que dans la pièce du fond, en compagnie d'un aquarium et d'un couple d'aras bien élevés, quelques fauteuils s'organisent autour de caisses en bois qui font usage de tables basses dans un certain respect de l'inachèvement assûmé. Le chocolat chaud se choisit au lait, blanc ou très noir, le petit sandwich chaud au chèvre et aux figues, avec du miel et de la roquette se grignote en discutant de l'après-midi à venir mais une fois sa dernière miette avalée, on est tellement bien entre les grandes oreilles des fauteuils à velours ras, qu'on a soudain très envie de faire une petite sieste, juste comme ça.
A quelques rues du Slörm, un après-midi lors duquel nous déambulions dans Prenzlauer Berg, nous nous sommes arrêtés au café CK où un garçon s'appliquait à verser lentement de l'eau bouillante sur son café filtre. Ça sentait terriblement bon. Le matcha est délicieux aussi.
Slörm Danzigerstrasse 53
Café CK Marienburgerstrasse 49
Le mieux, c'est d'arriver au Vux avec une petite faim, discrète, supportable, mais qui vous tiraille un peu quand même. Un peu comme quand vous décidez d'aller à Bob's kitchen et que vous savez déjà en chemin qu'un futomaki végétarien et un jus fraîchement mixé vont vous rassasier et vous procurer un sentiment de délectation en vous laissant si agréablement léger. Caché derrière une église, le Vux est un lieu lumineux, calme et tranquille, avec un beau parquet, du mobilier en bois blanc, des fleurs sur chaque table. La cuisine est végétarienne, faite maison évidemment, et chaque bouchée est enthousiasmante. Loin de l'agitation parfois démonstrative et bruyante de Mitte, dans un quartier où nous n'avons croisé aucun touriste, nous avons partagé une soupe de tomates, veloutée et épicée, servie avec un pain maison tout moelleux et encore tiède et goûté la tarte à l'aubergine bien relevée et parsemée de petites graines. En dessert, une tarte coco-citron ultra rafraîchissante, à la texture parfaitement soyeuse, et qui laisse à G. un souvenir impérissable. Une adresse qui vaut le détour, surtout en milieu de voyage, quand on est un peu fatigué.
Vux Wipperstrasse 14
Première tentative à the Barn en milieu d'après-midi: toutes les places sont occupées autour des toutes petites tables basses semi-improvisées. Leurs occupants en pull jacquard et lunettes à monture bois nous ont dévisagés avec une compassion ironique. Je ne prends même pas la peine d'examiner les pâtisseries exposées sur le comptoir.
Deuxième tentative, il est dix-huit heures, on nous informe que la fermeture a lieu dans une minute. Une grande dame brune en imperméable juste avant nous dans la file d'attente, demande à la serveuse dans un français impeccable "Je vais prendre une part de votre cake à la carotte qui me dévisageait depuis la rue". Je préfère goûter le cake au citron, coupé en tranche épaisse, elle-même déposée sur un carton blanc à bords ondulés qui sera glissé dans une pochette en papier brun. Deux minutes plus tard, nous avons convenu de nous arrêter sous un porche élégamment éclairé pour mieux admirer la texture de ce cake au citron au goût prodigieux, délicieusement frais et acidulé.
Troisième tentative en début d'après-midi, deux tabourets en bois recouverts de moumoute nous attendaient. J'ai choisi un flat white corsé et onctueux, il a pris un café et a beaucoup ri en trouvant du sucre super brut présenté dans un pot de fleur en terre. Nous avons partagé un gâteau qui empilait savamment des biscuits et de la ganache au chocolat, ce n'était ni sucré ni écoeurant comme on pouvait s'y attendre mais plutôt fin et délicat comme un dessert de grand-mère sans concession.
A quelques pas de The Barn, n'oubliez pas d'aller flâner à Do you read me? la librairie qui assouvit tous vos désirs de revues internationales à condition de faire abstraction de la placidité poseuse des vendeuses.
Tout près également, l'indispensable RSVP. Dans cette papeterie épurée et lumineuse, on tourne autour d'une unique et immense bibliothèque en bois clair où sont présentés de façon minimaliste et rigoureuse des porte-mines moutarde, blanc ou bordeaux, des cahiers, des carnets, des bloc-notes, souvent en papier brut, sobrement quadrillés en gris clair, avec des couvertures aux couleurs sourdes. Les mètres rubans s'enroulent dans de jolies boîtes en bois aux veines sombres, le coupe papier se dissimule dans un stylet blanc, jamais un dévidoir à scotch ne vous a paru aussi beau, on ne cesse d'être épaté par l'esthétique de l'utile. Dommage que la propriétaire ait un peu malmené la petite fille présente à ses côtés en lui infligeant du calcul mental affligeant et répété.
Dans la même rue que RSVP, n'hésitez pas à faire une pause à Mamecha, un joli salon de thé vert japonais, élégant et tranquille. Ils servent des petites pâtisseries légères et toute la journée de très appétissants bentos préparés par des cuisinières en tablier en lin bleu qu'on voit s'agiter avec souplesse en cuisine, dissimulée derrière un grand noren.
Un peu plus loin dans Mitte, chez Image Movement, toutes sortes de films rares ou expérimentaux en dvd et de grands fauteuils où s'installer pour regarder un documentaire sur un chorégraphe oublié.
The Barn Augustrasse 58
Do you read me? Augustrasse 28
RSVP Mulackstrasse 14
Mamecha Mulackstrasse 33
Image Movement Oranienburgerstrasse 18
Soir de pluie sur la Oranienstrasse toujours très fréquentée. Surpris par la tombée précoce de la nuit en novembre, nous avions erré dans des rues mal éclairées puis avions tenté d'éviter les flaques qui grossissaient dans un quartier d'immeubles anonymes, interrompus de temps à autre par les lumières agressives de cafés au comptoir lustré et sans clients. Au fil des rues désertes et brillantes de pluie, nous avions croisé la jambe siliconée d'un mannequin qui dépassait d'une poubelle en plastique orange.
Première halte pour se sécher un peu à Luzia, dont les flammes rases des bougies ont brûlé les pétales des petits bouquets éparpillés sur les tables en bois. L'endroit est très sonore et un peu froid, vaguement poisseux. J'avale un thé sans intérêt et nous nous enfuyons sous le parapluie à pois. A quelques pas, le bateau ivre était un refuge beaucoup plus intéressant. A la table du fond, il est vraiment plaisant d'écrire, de dessiner, de feuilleter ensemble le journal, de boire un verre de vin délicieux en grignotant des olives, un peu de fromage et une étonnante saucisse épicée en observant la faune hétéroclite et souvent amoureuse se presser au comptoir sous la gracieuse surveillance d'un immense vase de lys roses.
En journée, ne manquez pas de jeter un oeil aux sélections pointues et élégantes de la boutique Voo, à quelques mètres.
Le bateau ivre Oranienstrasse 18
Voo Oranienstrasse 24
Libellés : Berlin, Minolta, Pentax ME Super, voyage