Est-ce que c'était vraiment toi?
Dans les films de Philippe Garrel, les amoureux regagnent leur appartement minuscule en perdant leur souffle dans des escaliers interminables. Cette fois-ci aussi, un garçon, Louis, habite sous les toits et aligne ses livres de poche sur les radiateurs, comme il se doit. Les meubles sont dépareillés mais il n'aime pas trop qu'on s'installe sur le lit en gardant ses chaussures. Il est comédien, il a très peu d'argent et s'il lui arrive de frôler la main d'une fille au cinéma, s'il embrasse parfois de façon appuyée une autre qui joue avec lui au théâtre, il s'en tient là, c'est sa ligne, il le dit, il a donné sa vie à Claudia.
Claudia est immense, elle a la voix grave et les cheveux flous. Elle porte des jolies bottines noires et un inoubliable manteau en cuir irisé, elle marche les mains dans les poches, elle cite Maïakovski, elle est actrice mais elle n'a rien tourné depuis six ans. Claudia, parfois, court dans Paris à perdre haleine pour vérifier que Louis n'a pas disparu mais parfois aussi, elle ne supporte plus rien, ni le gourbi où ils vivent, ni les absences de Louis, ni celles de l'argent, tout le temps. Alors évidemment, quand elle rencontre le riche architecte, celui qui a une voiture et qui peut inviter au restaurant, les choses se compliquent...
Louis dit à Claudia quelque chose comme: « Comment est-ce que je peux être bien avec toi si je sais que tu es parfois avec un autre ? » Elle répond: « N'y pense pas, c'est tout. Et profite du moment que je passe avec toi, et qui est bien. » J'avoue que je n'y arriverais pas trop non plus.
Claudia blesse Louis, mais il y a quelques temps, Louis blessait Clotilde, avec qui il a eu une fille, Charlotte, et qui le suppliait en vain de la laisser partir avec lui. Un soir, bien plus tard, Clotilde et Charlotte se mettent à table, j'aime infiniment cette scène. Charlotte est rentrée d'une journée passée avec son père, elle porte un nouveau bonnet, donné par Claudia et qui inscrit donc l'existence de celle-ci dans le réel tangible, ce que devine Clotilde avec une douleur intérieure qui transparaît à peine dans ses gestes quand elle sert la soupe de carottes, quand elle arrache un morceau de baguette fraîche. La jalousie, c'est cette blessure-là, c'est sentir que quelqu'un d'autre détient quelque chose que l'on a perdu de quelqu'un qu'on aime toujours. C'est ce que l'on perçoit de ce qui n'est pas exprimé dans le réel. Et c'est tout cela que Clotilde garde pour elle ce soir-là, devant sa soupe de carottes.
La Jalousie, parce qu'il déploie en noir et blanc un langage qui m'est des plus familiers, est définitivement mon film préféré de 2013*. Il m'a aidé à affronter un hiver qui n'avait pourtant pas encore commencé qu'il faisait déjà un peu mal.
Pour continuer d'essayer de se remettre d'une année pleine de secousses, nous n'avons pas fait nos valises dans la nuit mais presque, et je suis depuis quelques jours à Venise où je dévore spaghetti alla vongole et petits biscuits, comme ici, pendant la promenade dans le ghetto ce matin.
Claudia est immense, elle a la voix grave et les cheveux flous. Elle porte des jolies bottines noires et un inoubliable manteau en cuir irisé, elle marche les mains dans les poches, elle cite Maïakovski, elle est actrice mais elle n'a rien tourné depuis six ans. Claudia, parfois, court dans Paris à perdre haleine pour vérifier que Louis n'a pas disparu mais parfois aussi, elle ne supporte plus rien, ni le gourbi où ils vivent, ni les absences de Louis, ni celles de l'argent, tout le temps. Alors évidemment, quand elle rencontre le riche architecte, celui qui a une voiture et qui peut inviter au restaurant, les choses se compliquent...
Louis dit à Claudia quelque chose comme: « Comment est-ce que je peux être bien avec toi si je sais que tu es parfois avec un autre ? » Elle répond: « N'y pense pas, c'est tout. Et profite du moment que je passe avec toi, et qui est bien. » J'avoue que je n'y arriverais pas trop non plus.
Claudia blesse Louis, mais il y a quelques temps, Louis blessait Clotilde, avec qui il a eu une fille, Charlotte, et qui le suppliait en vain de la laisser partir avec lui. Un soir, bien plus tard, Clotilde et Charlotte se mettent à table, j'aime infiniment cette scène. Charlotte est rentrée d'une journée passée avec son père, elle porte un nouveau bonnet, donné par Claudia et qui inscrit donc l'existence de celle-ci dans le réel tangible, ce que devine Clotilde avec une douleur intérieure qui transparaît à peine dans ses gestes quand elle sert la soupe de carottes, quand elle arrache un morceau de baguette fraîche. La jalousie, c'est cette blessure-là, c'est sentir que quelqu'un d'autre détient quelque chose que l'on a perdu de quelqu'un qu'on aime toujours. C'est ce que l'on perçoit de ce qui n'est pas exprimé dans le réel. Et c'est tout cela que Clotilde garde pour elle ce soir-là, devant sa soupe de carottes.
La Jalousie, parce qu'il déploie en noir et blanc un langage qui m'est des plus familiers, est définitivement mon film préféré de 2013*. Il m'a aidé à affronter un hiver qui n'avait pourtant pas encore commencé qu'il faisait déjà un peu mal.
Pour continuer d'essayer de se remettre d'une année pleine de secousses, nous n'avons pas fait nos valises dans la nuit mais presque, et je suis depuis quelques jours à Venise où je dévore spaghetti alla vongole et petits biscuits, comme ici, pendant la promenade dans le ghetto ce matin.
Pour 2014, je vous souhaite beaucoup de beaux films, des livres, des escapades deci-delà, des choses douces et tranquilles.
*Les autres films que j'ai bien aimés, dans le désordre : Oh Boy!, Jimmy P., Camille Claudel 1915, Michael Kohlhass, La Vénus à la fourrure et voilà.
Pour ceux que ça intéresse, mon livre préféré sorti cette année s'appelle Intérieur, de Thomas Clerc, aux Editions Gallimard (Arbalète). J'ai adoré aussi découvrir le dernier volume des aventures de Marie Madeleine Marguerite de Montalte en dévorant Nue de Jean-Philippe Toussaint aux Editions de Minuit. Et toujours chez Minuit, sortis il y a longtemps, les démêlés d'Eric Laurrent avec Clara Stern (Clara Stern) puis Yalda Apadana (Renaissance italienne) m'ont fascinée.
Plus prosaïquement, mais il faudrait que je demande l'avis de G., je dirais que nos deux réalisations culinaires les plus épatantes furent notre soirée lobster rolls ainsi que les incroyables ramen dont la préparation du bouillon requit environ un dimance matin tout entier. Mais ça valait la peine parce que c'était rudement bon.
Pour ceux que ça intéresse, mon livre préféré sorti cette année s'appelle Intérieur, de Thomas Clerc, aux Editions Gallimard (Arbalète). J'ai adoré aussi découvrir le dernier volume des aventures de Marie Madeleine Marguerite de Montalte en dévorant Nue de Jean-Philippe Toussaint aux Editions de Minuit. Et toujours chez Minuit, sortis il y a longtemps, les démêlés d'Eric Laurrent avec Clara Stern (Clara Stern) puis Yalda Apadana (Renaissance italienne) m'ont fascinée.
Plus prosaïquement, mais il faudrait que je demande l'avis de G., je dirais que nos deux réalisations culinaires les plus épatantes furent notre soirée lobster rolls ainsi que les incroyables ramen dont la préparation du bouillon requit environ un dimance matin tout entier. Mais ça valait la peine parce que c'était rudement bon.
Libellés : cinéma, Iphoneography, livres, Philippe Garrel, voyage