lundi 15 décembre 2014

L'avenir du passé

//New York, mais la première fois//

J'espère que Nanni Moretti me pardonnera parce qu'au réveil, je délaisse désormais le grand verre d'eau fraîche qu'il recommande dans Caro Diaro et préfère laisser infuser deux rondelles de gingembre dans un petit verre d'eau chaude. Après cette ablution rituelle, il y a les matins chocolat-tartines et les matins thé-granola et dans la nuit qui n'en finit pas, j'observe les silhouettes lointaines des voisins se déplacer dans leur cuisine jaune ou bleue, avec quelque chose qui pourrait ressembler à une tasse entre les mains.
Au travail, je pense dix fois par jour que j'aimerais photographier certains détails des personnes qui me font face (un col de chemise ravissant sur un pull en grosse maille, des tennis très joliment patinées, une paire de chaussettes chinées sous un pantalon roulotté, un duffle-coat entièrement doublé de Liberty, des yeux maquillés comme je ne saurais jamais faire, etc) mais évidemment, il est complètement vain d'y penser. Parfois aussi, j'ai envie de rire aux éclats, quand j'entends pas exemple "Je vous ai citée dans une dissertation... et j'ai eu quinze !"
Chez l'analyste, je raconte mes rêves. La fois où je n'arrive plus à attacher mes lacets parce qu'ils sont trop courts. Celle où je n'arrive pas à avancer parce que mes chaussures pèsent trop lourd. Quand je me retrouve face à deux chemins et que je prends sciemment celui qui sera le plus malaisé. Ah. C'est quand même un truc de malade d'aller deux fois par semaine parler de choses humiliantes, déconcertantes et troublantes à quelqu'un qui ne dit quasiment rien (et qui fait un bruit très pénible avec ses ongles) et que l'on paie suffisamment pour que ça nous coûte... Le pire étant que j'aime beaucoup ça, hum.
Il y a même eu un week end parisien entièrement occupé par la psychanalyse. Et le dimanche matin, en guest-star très attendu (en tout cas par moi, un peu moins par G., mais il a changé d'avis ensuite), Christophe Honoré, vraiment très touchant de timidité et de retenue devant le parterre de psychanalystes qui lui fait face. Je souris quand il dit qu'adolescent, il regardait sa mère en se demandant pourquoi elle n'avait rien à voir avec Catherine Deneuve (mais plus tard, quand il rencontrera Chiara Mastroianni, il s'apercevra que ce n'est pas si simple d'avoir une mère qui s'appelle Catherine Deneuve). La scène que je préfère, de tous les films de Christophe Honoré, est le moment où Paul, le héros déprimé de Dans Paris, retrouve et écoute le vinyle de Cambodia de Kim Wilde. Avec son écriture d'enfant, il avait inscrit son nom sur la pochette, et dans cette image, il y a tout le temps passé depuis, ce qu'on a été et qu'on ne sera plus jamais, ce qu'on a perdu et qu'on ne retrouvera plus jamais, et les larmes me montent aux yeux.
Pour laisser au passé une chance d'avoir un avenir*, je lui consacre des listes, comme par exemple :

Une liste (non exhaustive) de souvenirs new-yorkais
- les petits-déjeuners à Bakeri, installés à ma place favorite, autour de la grande table en bois avec vue sur le comptoir devant lequel défilent les filles à cheveux longs, pull souple et manteau subtil (épaules tombantes et manches trois-quarts, couleur crème fraîche ou pain d'épices) mais surtout sur la cuisine et le plan de travail où une fille brune avec un bandana dans les cheveux pétrit et façonne du pain au rythme de tubes années 80 (filles face b s'abstenir !). Quelques instants plus tard, la façon dont elle démoulera les petites brioches dorées et replètes tout juste sorties du four dans des effluves de beurre, de sucre et de levain mélangées, rendra absolument indispensable le fait d'en goûter une.
- après une longue matinée au Moma, loin de la foule, du bruit, de l'étourdissement urbain, j'ai béni la petite retraite scandinave au Café Suédois local. Il faut sonner pour entrer, puis faire quelques pas dans le vestibule avant de pénétrer dans la bibliothèque. Les livres s'alignent du sol au plafond, et dans la salle éclairée par des suspensions années 50, la seule vue des tables en bois, des fauteuils recouverts de tissu gros grain gris, des deux day-beds aux lignes douces où une jeune femme s'était laissée aller à la sieste entre des coussins fleuris m'euphorise absolument. C'est tellement tranquille et silencieux qu'on ose à peine chuchoter pour demander un thé, un café et s'il est possible de grignoter quelque chose. Nos brioches à la cannelle sont particulièrement réputées et il y a aussi des petits sandwiches dans le réfrigérateur, je vous laisse regarder. Evidemment, je ne me suis pas contentée de regarder ! Nous avons arrangé nos tartines (harengs, oeuf et concombre, jambon, fromage et concombre), une brioche à la cannelle, le thé au lait et le café sur des plateaux immaculés et nous sommes restés un certain temps qui ne fut pas principalement occupé à la dégustation bien qu'elle fût délicieuse, mais surtout à la discussion (G., grâce à Bergman, a quelques rudiments suédois, et j'adore l'écouter s'amuser de cela) et à la rêvasserie, un contraste réjouissant avec le frénésie parfois un peu assommante de Manhattan.
- depuis le parc, l'indice qui confirme que nous sommes sur le bon chemin pour nous rendre à Levain Bakery, ce sont les gens croisés avec un sac en papier blanc entre les mains qu'ils reniflent avec appétit. La minuscule échoppe se cache entre les façades tellement chics de l'Upper West Side mais la file d'attente impatiente et ultra-gourmande qui piétine devant indique depuis le bout de la rue que nous sommes arrivés à destination. Le parfum de biscuit tiède dessine un nuage imaginaire au-dessus de l'entrée. Les deux jeunes filles qui nous précèdent expriment très simplement leur exaltation Ce soir on est huit alors pas de question de prendre moins de huit cookies, même s'ils sont gros. Parce que j'en veux un pour moi toute seule et ne laisserai personne s'approcher du mien. Quand ce fut notre tour, nous écartons l'éventualité d'un peanut butter cookie et jetons notre dévolu sur un raisin oatmeal et le démoniaque dark chocolate-chocolate chip. Un peu plus tard, sur un banc caché de Central Park, en observant les canots qui avançaient lentement sur le lac, c'était vraiment chouette de grignoter nos cookies avec le doux soleil d'automne dans le cou.
- déambuler avec G. dans les salles grandioses de la Frick Collection, discuter d'un regard, et trouver souvent que certains portraits ressemblent à des visages familiers, des siècles plus tard. Rester jusqu'à la fermeture du musée, et décider, sans trop réfléchir, d'aller se réchauffer devant un bol de ramen au Momofuku Noodle Bar. En attendant qu'une place se libère, siroter une organic ginger ale passée inaperçue et qui fait tout à coup envie à tout le monde, puis se retrouver face à un bol fumant de ramen. Le bouillon au goût complexe et dense, les nouilles qui s'aspirent, la poitrine de cochon ultra-fondante et surtout l'oeuf poché, doux et voluptueux... c'est comme version très améliorée de mon goûter préféré de petite fille.
- dans les films de Woody Allen, les couples d'amis se retrouvent le samedi soir dans un restaurant minuscule, à peine éclairé, avec beaucoup de bruit et de verres de vin, et la même conversation qu'il y a deux mois**. J'ai pensé aux films de Woody Allen le soir du dîner à la Vinegar Hill House. Assise au comptoir devant la liste des cocktails, je regardais défiler les corn breads fumants recouverts de miel et de beurre fondu et les cuisiniers secouer d'un geste sec les poêlons où se pâmaient quelques champignons. Le barman quant à lui découpait des zestes de pamplemousse et s'en servait pour frotter le rebord des verres. Plus tard, sur la table en bois brut, nous avons d'abord partagé une assiette de pappardelle maison, poêlées dans un jus au parfum de sous-bois, il y avait aussi du kale et de très fines tranches de canard. Le genre de plat dont vous auriez désespérément envie de vous resservir ! Le genre de soirée auquel vous aimez repenser dans le taxi qui vous ramène à l'appartement en briques rouges de Bedford Avenue.
- le premier après-midi, à la terrasse du Five Leaves, il y a un couple au regard mal réveillé derrière des lunettes de soleil qui ne veut que partager un toast à l'avocat et au piment (enfin, avec un Manhattan, quand même), des touristes néerlandais qui veulent absolument goûter le hamburger avec de l'ananas dedans, des copines en pull très long qui n'arrivent pas du tout à se décider et nous, un peu grisés par le vol, le soleil, la douceur de l'air, qui ne nous demandons pas vraiment longtemps si toutes ces frites qui accompagnent le ABLT (un Avocado BLT) sont vraiment nécessaires.
- le samedi, au Smorgasburg de Williamsburg, sur les rives de l'East river, il est probablement préférable d'arriver le ventre vide (et donc de n'avoir pas déjeuné au Five Leaves...) pour pouvoir goûter les sandwiches au pastrami maison, finement tranché par des mains expertes, les whoopie pies, organics et coquets, les nouilles sautées, les meatballs, les bubble teas, les crèmes glacées, le pulled pork épicé... Mais il n'y a pas besoin d'avoir faim pour se repaître du spectacle des rives de Manhattan de l'autre côté du fleuve et du soleil qui s'y noie lentement.
- le dernier jour, flâner et se perdre dans les rues de Greenpoint avec ses immeubles en briques rouges, ses maisons aux façades pastel, ses boulangeries polonaises, ses pharmacies désuètes, ses échoppes à pizza, le plus joli fleuriste du monde, et, sans prévenir, Ovenly, une adorable pâtisserie où l'on peut s'asseoir autour de petites tables blanches pour goûter leur délicieux pumpkin cake, ultra fondant et assorti à la couleur des dahlias dispersés dans les petits vases alentours. Et il y a un Bakeri à Greenpoint désormais ! Définitivement mon quartier préféré.

* c'est Mia Hansen-Love qui évoque l'avenir du passé dans son entretien avec Laure Adler, infiniment plus réjouissant qu'Eden, son dernier film.
** vous pouvez le vérifier en écoutant la chanson ici. J'adore quand il dit Quatrième année d'histoire de l'art / A priori une fille c'est comme ça...

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mardi 11 novembre 2014

Et la fois où tu as, roulé dans la nuit noire...


Le chauffeur de taxi a dit : "Vous êtes sûrs que c'est sur Atlantic avenue ? Je ne me rappelle pas y avoir croisé une agence de location de voitures..."
C'était bien là pourtant, et l'employé très maigre, qui portait un pull col V gris et une chevelure rousse avait davantage l'allure d'un étudiant du M.I.T que d'un loueur de voiture. Il nous a aidés à glisser les valises à l'arrière, il nous a souhaité bon voyage puis il a ajouté que cette petite automobile était d'un format idéal pour les échappées belles alentours. Je n'avais pas trop de mal à le croire.
Tout a commencé par une halte imprévue dans une ville minuscule, au bord de l'eau, là où la terre dessine un crochet dans l'océan sur la carte que je suivais du bout du doigt. Les maisons, immenses, couleur chou à la crème ou meringue fraîche, dominaient les jardins au cordeau où s'éparpillaient dans un désordre maîtrisé des buissons fleuris et des arbres rougissants. La quiétude absolue ambiante était presque inquiétante (peut-être à cause des rocking-chairs en rotin blanc abandonnés sur les paliers et qui ondulaient lentement).
Il a suivi les petites pancartes avec un homard dessiné dessus et, au bout du chemin, il y avait cet endroit presque surnaturel, hors du temps, rustique et délicat à la fois, qui s'appelle Ford's et que nous étions ravis de ne pas avoir raté en route. Sur la terrasse bordée de fleurs violettes, roses et jaunes, presque les pieds dans l'eau, les habitués savouraient lentement leur bol de clam chowder, commandaient un deuxième lobster roll ou sirotaient un thé au citron. C'était le milieu de l'après-midi mais on avait encore le droit de déjeuner, c'était l'automne mais il faisait doux. Les lobster rolls se servaient selon les préférences de chacun, plutôt chauds (le pain est toasté et beurré avec parcimonie, le homard est tiède) ou froids (le pain reste moelleux, le homard est froid et agrémenté d'une mayonnaise aux herbes fraîches et au céleri). Ça me rappelait un peu la distinction que fait Vincent Delerm sur ceux qui, dans les soirées dans des appartements trop petits, se retrouvent dans la cuisine pour refaire des toasts de tarama et qui, selon leurs habitudes, tartinent avant de découper ou l'inverse. Je suis une inconditionnelle de la deuxième méthode, et pour le lobster roll, c'était plutôt chaud et c'était rudement bon. C'est aussi ce que pensaient vraisemblablement les trois jeunes gens arrivés une demi-heure plus tard, avec quelques bières fraîches et un Trivial Pursuit spécial cinéma qui les occupa beaucoup (il y a eu une question que je n'ai pas bien comprise mais ils n'étaient pas d'accord sur la réponse Steven Spielberg).
La nuit est tombée très vite, sombre, épaisse, recouvrant tout, les forêts flamboyantes de l'automne et les fast-food de bord de route, les motels et les station-service. Nous sommes arrivés tard à Provincetown tout au bout du Cape Cod, la dernière ville avant l'océan. On ne pouvait plus dîner nulle part, sauf chez Georges, un bar-pizzeria à l'allure peu engageante mais nous n'avions pas le choix (il y avait bien dans les valises du chocolat Mast Brothers et un ultime compost cookie de chez Momofuku mais les circonstances présentes pour les déguster n'étaient pas optimales). Les banquettes en skaï couleur caramel raté encadraient les tables en mélaminé cheap, dont on devinait le contact poisseux de certaines. Les téléviseurs accrochés en hauteur diffusaient un match de base-ball sans le son. Au comptoir, des clients au physique singulier, arrivaient seuls et le visage triste, enchaînaient les bières et les phrases qui ne se terminaient jamais. Au fond de la salle toute en longueur, un pizzaiolo s'activait devant son grand four. Et ça sentait assez bon. On nous a gentiment expliqué qu'on commandait directement nos pizzas auprès de lui et qu'il nous appellerait par notre prénom quand celles-ci seraient prêtes. Nous prîmes le menu qu'on nous tendait. Ni la Meat Lovers ni la Pepperonissima ne m'inspirait mais la carte précisait qu'on pouvait composer sa pizza avec les ingrédients disponibles, bonne nouvelle. J'ai pris aubergine-saucisse-feta, et une dizaine de minutes plus tard, G. déposa devant moi une pizza fumante, avec une belle pâte qui avait bien bullé sur les bords et le parfum herbacé un peu piquant de la feta fondue. Au goût, c'était loin d'être parfait, en raison de la nature des ingrédients, mais la technique était précise et réussie, la pâte était très bonne, croustillante et élastique sans être épaisse, la sauce tomate était bien assaisonnée, c'était chaud, réconfortant, le fromage faisait plein de fils. J'ai oublié les gens accoudés au comptoir, le match de base-ball qu'on ne pouvait même pas suivre parce que la qualité de la captation dessinait plein de lignes sur l'écran comme dans Les bijoux de la Castafiore, j'ai oublié le skaï marron, les tables collantes, nous avons discuté et je lui ai dérobé quelques gorgées de bière. Et dans cette ambiance bizarre, mélange de conversations très nord-américaines, d'odeur de pain chaud et d'eau de toilette bon marché, j'ai reparlé de ce jour en Finlande, c'était dans une toute petite ville, il y avait un salon de thé russe juste à côté d'une église orthodoxe. Le salon de thé servait du thé glacé délicieux et un gâteau au fromage mémorable mais de ce jour-là, je me rappelle surtout de cette femme russe, les cheveux retenus par un foulard coloré, qui est entrée dans l'église, s'est signée, a embrassé une icône, a allumé des cierges et s'est mise à prier. Moi, assise dans un coin, discrètement enivrée par le parfum des cierges, j'ai ressenti une émotion incomparable en m'apercevant à quel point cette femme était habitée par un sentiment qui m'est inconnaissable, mystérieux, définitivement énigmatique et je l'enviais de pouvoir l'éprouver. C'est très étrange d'évoquer cela devant cette pizza de chez Georges mais je reste émue devant le contraste que promettait la devanture du lieu, son enseigne même, et ce que nous y avons vécu.
Dans les jours qui suivirent, nous avons parcouru des plages immenses et désertes, absolument désertes, sur toute leur longueur. On n'entendait que les vagues et le vent, et nos conversations échevelées. Ces promenades grisantes étaient interrompues par des sessions sandwiches chauds et latte, exploration de supermarché ou, dans un autre style réjouissant, visite tendre et amusante de la maison d'Edward Gorey où dans la cuisine ont été encadrée les notes du restaurant où Gorey prenait tous ses déjeuners (hot dog, toasted bun ou 2 poached eggs in a cup, ham, white toast), je garde l'idée !
Un soir, après avoir hésité longtemps (et quitté un restaurant alors que nous étions déjà installés, hum), après avoir aussi écarté les nombreuses possibilités de dîners que nous imaginions grandiloquents, nous nous sommes retrouvés dans un endroit qui s'appelle Barbone, à quelques kilomètres du très joli Bed and Breakfast où nous sommes restés quelques jours (à cause notamment du granola maison et des muffins café et chocolat du petit-déjeuner. Il y avait aussi un poêle dans chaque chambre, ce qui est assez agréable -rapport aux longues promenades sur les plages ventées). La salle était vaste, réchauffée par un grand four à bois, il y avait peu de monde et la plupart des gens avaient déjà terminé. L'ambiance était très tranquille, la musique était diffusée à un volume décent et on y voyait suffisamment pour ne pas éclairer son assiette avec un téléphone comme je l'ai vu faire tant de fois à New York, dans des lieux où il fallait aussi s'égosiller pour se faire entendre tant la musique, de mauvais goût qui plus est, était forte. La pizza que nous avons partagée était incroyablement bonne, la pâte et la garniture (des meatballs maison, étonnamment délicats, des oignons caramélisés, des olives de kalamata et de la mozzarelle douce, lactée) étaient d'égale qualité. L'assiette de pâtes qui s'ensuivit, des orecchiette maison, irrégulières, épaisses et rebondies, servies dans une sauce relevée à la sauge était tout aussi convaincante. Pendant le dîner, des gens rentraient et avalaient leur pizza comme ça, comme si de rien n'était, alors que je n'avais jamais mangé de pizza aussi délicieuse depuis les vacances d'hiver en Italie.
Toutes ces histoires de pizza pour en arriver à l'une de nos soirées new yorkaises, la fois où j'avais beaucoup insisté pour aller dîner chez Roberta's à Brooklyn. Comme c'était un soir de semaine, il n'était pas nécessaire de s'inscrire sur une liste et d'attendre deux heures sur un coin de bar. Nous avons même eu la chance de nous asseoir dans la deuxième salle, beaucoup plus calme que la première, surbondée, surchauffée, surpeuplée. Fatigante. Alors finalement, c'est un peu étrange de devoir admettre que les pizzas de Roberta's se sont révélées assez quelconques. Délicieuses mais un peu ennuyeuses, elles étaient sans doute meilleures que celles de chez Georges dans la mesure où la qualité des ingrédients était irréprochable mais elles ne procuraient pas du tout le même plaisir, c'était des pizzas parmi les centaines d'autres servies ce soir-là chez Roberta's, elles avaient le goût de l'autosatisfaction, de la répétition machinale, elles n'évoquaient rien d'autre que leur propre signifié. J'étais un peu embêtée. Ça m'a fait repenser au jour où, poursuivant une lubie absurde, nous sommes allés visiter la maison de Mark Twain à Hartford, dans le Connecticut (je dis absurde parce qu'aucun de nous n'a lu Mark Twain. Mais figurez-vous que la maison d'Edith Wharton ne se visite pas en novembre, et que nous étions le 2 de ce mois. Soupir). Mark Twain avait une très belle bibliothèque et de charmantes tapisseries. Après la visite, nous n'avions pas déjeuné, c'était en fin d'après-midi, nous avions un peu de route avant de rentrer à New York. Il faisait un temps exécrable, une pluie froide et drue battait le pare-brise et les rues d'Hartford étaient désertes. Les adresses repérées à l'avance avaient déjà fermé leur porte ou n'existaient simplement plus, nous avancions au hasard. Nous avons traversé plusieurs quartiers décrépits, moroses et gris, mais dans une enclave apparemment hispanophone, je repère entre les gouttes une enseigne aux couleurs criardes qui annonce Fresh Breads / Bakery. Nous arrêtons la voiture. A l'intérieur, comme chez Georges, c'est un peu vieillot, pas très propre, et le téléviseur diffusait une série complètement obsolète que personne ne regardait. Derrière les vitrines, plusieurs sortes de gâteaux, des cheesecakes, de la crème, des pommes, du caramel, mais le sucré ne m'intéresse pas trop. En réalité, ce qui aimante mon regard, ce sont les deux grands plats maintenus au chaud où s'empilent des empanadas particulièrement replets. Pas de fioritures, pas de jolies étiquettes, pas de précision concernant les ingrédients et leur provenance, l'empanada que j'ai choisi est directement glissé dans un petit sac en papier, la vendeuse n'a pas de foulard dans les cheveux, ni un joli vernis, ni un tee shirt graphique, mais un gentil sourire, ah ça oui.
Dans la voiture qui redémarre, je suis impatiente de croquer dans le chausson doré et encore tiède. Une onde de satisfaction me parcourt à la première bouchée. C'est savoureux, équilibré, presque subtil dans sa simplicité. Je fais goûter à G. et je vois bien dans son regard qu'il éprouve exactement la même chose. Le goût de l'inattendu intervient forcément dans nos perceptions mais il y a aussi autre chose, de plus mystérieux, la conjonction d'un savoir-faire hyper maîtrisé avec quelque chose de pourtant imprécis, qu'on devine à l'irrégularité du chausson, à son aspect rustique. Là encore, cet empanada tiède partagé avec G. dans la voiture qui fonçait vers New York dans la nuit désormais tombée et sous la pluie battante, était mille fois meilleur que la pizza chez Roberta's.

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mardi 19 avril 2011

La pluie à contre-jour, le temps des retours -your life is New York City, you're just this person

Avant de traverser l'Océan Atlantique, il y eut un autre voyage.
Rue Notre-Dame de Lorette, une vitrine minuscule qui passerait presque inaperçue, des canettes de soda empilées comme une anticipation nord-américaine, quelques tables dans une micro-salle aux couleurs acidulées. Ainsi, la veille du départ, nous avons dîné à
Q-Tea. Ce que j'ai bien aimé, c'est le passe-plat découpé dans la porte de la cuisine et l'aperçu furtif qu'il offre des fourneaux et de l'agitation du chef devant les poêlons brûlants.


A Q-Tea, le tofu à la sichuanaise ne plaisante pas avec le piment et on reprocherait presque à la petite marmite de poulet aux trois sauces d'être trop petite tant sa saveur est addictive. Le bubble tea est servi dans des verres géants mais il n'est pas aussi bon qu'à Zenzoo ou peut-être
chez vous. Vers 23 heures, un couple d'Anglais qui sortent d'un spectacle déboule en quête d'un plat chaud et rapidement préparé, le chef conseille le riz aux champignons et ils se retrouvent bientôt devant deux grands bols parfumés et fumants. C'est la vie à Q-Tea! Certaines savent aussi y fêter dignement les anniversaires...
Dans l'avion, je n'arrête pas de me demander qui est cette fille qui me sourit avec complicité au bout de la rangée. Elle porte un sweat shirt gris et des tennis vertes. J'apprends finalement que c'est la Grande Ecole dans laquelle elle étudie qui l'envoie passer un semestre à Columbia. Elle commencera avec circonspection les pâtes au fromage et aux épinards du premier plateau repas mais le terminera, alors que le petit sandwich au cheddar et au chutney de poire servi plus tard sera rapidement abandonné dans des éclats de rire partagés.
Une semaine new yorkaise - morceaux choisis

1. Au Blue Porch, le Bed and Breakfast de Brooklyn qui nous a accueillis, tous les matins, il y avait un fromage différent au petit-déjeuner. Certains jours, Trudy avait préparé des scones citron-cranberries servis tièdes ou des petits biscuits au cheddar et aux herbes fraîches. Les salades de fruits étaient quand à elles absolument luxuriantes (des quartiers de pamplemousse entièrement épluchés, quelle joie!). J'ai eu le droit de feuilleter les livres de cuisine de l'étagère du haut.
Par deux fois, nous avons dîné pas très loin de là, sur Courtelyou Road.
Le soir de notre arrivée tardive, à Purple Yam, où j'ai dévoré un incroyable sandwich aux boulettes coréennes (le pain maison, blanc, dense, moelleux, renfermait des boulettes archi goûteuse, une sauce sombre inédite et des légumes frais croquants).
Un jour de fatigue où nous étions rentrés plus tôt, frigorifiés, à
The farm on Adderley, où les orecchiette à l'agneau et au potimarron étaient vraiment à se pâmer, dans la cuisson, la texture, le parfum.

2. Au Moma, un gentil jeune homme à l'accent bien élevé nous offre deux tickets. J'adore l'architecture du lieu, les volumes et les lignes. Je suis fascinée par une vidéo intitulée
Semiotics of the kitchen (une performance de Martha Rosler tournée en 1975) et un autoportrait au miroir. En attendant G. parti chercher un café, un étudiant en design japonais me demande si j'étudie les arts plastiques. Il s'étonne que non, il s'étonne aussi que je vive en France.
Le restaurant du cinquième étage avait eu la bonne idée de mettre de grandes branches de cerisier en fleurs dans d'immenses vases transparents, la bonne idée aussi de servir du poulet avec des poires rôties, du chèvre frais, quelques noix de pécan caramélisées et une salade de roquette.

3. Il a hélé un taxi pendant que je remontais le col de mon manteau et faisais trois tours d'écharpe. Le chauffeur parlait un peu français et écoutait Chopin. Nous avons changé de destination en chemin. Le visage collé à la vitre, je regardais, au-delà des petites rivières dessinées par la pluie, les branches encore nues des arbres de Central Park, leur forme tortueuse et fragile, les promesses d'un printemps qui se faisait attendre. J'ai vraiment ressenti à ce moment la joie furtive du présent. Le chauffeur fut presque attendri de nous laisser devant
Shake Schack!
Dans la file d'attente où personne ne semblait lasser d'attendre, je me dis que leurs petits dessins de burger ou de milk-shake seront du plus bel effet dans mon journal de voyage*. Evidemment, j'ai absolument adoré le fait qu'on vous donne un petit boîtier qui vibre quand votre commande est prête et vous attend sur le comptoir. Un moment ludique et délicieux.

4. (Parenthèse capillaire)
C'est en cherchant un endroit accueillant pour boire un verre que j'ai croisé par hasard le salon
Musa. Mon regard a tout de suite été happé par le spectacle absolument gracieux et complètement inattendu de deux coiffeurs japonais s'agitant autour de la chevelure lisse et sombre de leurs clients. Inattendus aussi les vieilles machines à écrire à côté des grands miroirs, le joli carrelage.
Il se trouve que nous étions depuis trois jours à New York et que par un mystérieux phénomène physiologique, mes cheveux étaient emmêlés comme jamais, plein de noeuds de taille différente impossible à défaire sans pleurer de douleur. J'y avais renoncé et consentais donc à arborer une sorte de touffe capillaire indescriptible. Quand j'ai vu le soin et l'application doux et précis dont les coiffeurs de ce salon faisaient preuve, j'ai tout de suite eu envie de leur confier mes noeuds.
Comme mon indécision chronique voyage avec moi, je n'ai pas vraiment osé entrer demander un rendez-vous tout de suite, me contentant de sautiller sur place en jetant des coups d'oeil admiratifs à l'intérieur et dressant avec G. les avantages et les inconvénients d'une telle décision (il m'a toujours semblé que mes cheveux étaient une cause de dépression chez les nombreux coiffeurs qui s'y sont affrontés. Ils déplorent à chaque fois assez ouvertement que ma tignasse est désespérément lisse et fine et fragile et sans volume et encadre un visage sans charme. Je déteste aller chez le coiffeur et le moment où ils vous tendent un miroir à la fin de la séance en vous demandant "ça vous va?" me désespère) or mon regard a croisé celui du coiffeur qui était le plus proche de la vitrine, un monsieur qui s'appelle Bushi Yoshimura. Comme il m'a souri, comme ça, un rendez-vous fut ainsi décidé le lendemain à 14h avec Yasuko, une jeune femme menue, à la fois vaporeuse et décidée. J'ai tout de suite eu confiance quand elle a dit "Oh là là, vos cheveux sont tout emmêlés...! Mais je suis sûre que vous aimez bien quand ils sont un peu en désordre, non?" C'était exactement ça.
Elle croyait que j'habitait le quartier et c'est seulement après avoir échangé sur nos vies respectives (son départ du Japon, son choix de vivre à New York, mon goût pour la ville, pour ce qu'on peut y manger aussi) qu'elle a dit qu'elle verrait bien une petite frange, pour changer un peu, sans en avoir l'air. Je n'ai pas du tout ressenti cette tension liée à l'appréhension et au fait d'être au centre du miroir tellement caractéristiques de chacun de mes passages chez le coiffeur jusque là, elle était douce et très légère dans chacun de ses gestes, de ses mouvements. Elle était toute enthousiaste aussi, sans ces plaintes que je peux entendre si souvent sur la texture de mes cheveux. Elle était super contente du résultat et moi aussi. Elle a dit "J'espère que votre ami va aimer, mais je pense que oui." J'étais ravie.

5. Dans le quartier de Williamsburgh, à Brooklyn, lors d'une balade absolument ensoleillée, nous avons croisé un disquaire exhaustif, des gros bols en faïence avec des losange colorés que je ne fais que regretter, des robes vintage, une épicerie japonaise, une boutique de design scandinave, un monsieur qui promenait son chien et s'amusait qu'on prenne précisément sa maison en photo et puis un endroit charmant qui s'appelle
Bakeri. Derrière le présentoir à gâteaux, des filles en pull jacquard, les cheveux dans un turban coloré, servent des rosemary cookies, des lemon bars, du salted caramel brownie, des cinnamon rolls; dans le coin cuisine, à côté d'un ventilateur ancien et d'une petite collection de livres de cuisine, une autre fille prépare des petits sandwiches au fromage grillé ou arrange sur des planches en bois la baguette maison, fendue en tartines, le beurre et la confiture, maison eux aussi. Le Skolebrod (une brioche toute douce avec un coeur de crème pâtissière légère et vanillée puis recouverte de noix de coco râpée) est tendre et parfumé, le peanut butter chocolate chip cookie est étonnamment délicat et le cappuccino se révèle attentionné. Un endroit précieux surtout si vous tournez deux fois à gauche en sortant.


6. J'aurais bien aimé savoir quel film était en train d'être tourné dans l'une des belles maisons de Brooklyn Heights.

7. Jour gris de pluie à Manhattan. Les bottes en caoutchouc colorées sont de sortie, les buildings dégoulinent. Evidemment, on dirait que tous les touristes ont décidé d'aller au Musée Guggenheim. Je respire un bon coup pour faire abstraction de ceux qui parlent fort, ceux qui prennent des photos qui ne rendront rien, ceux qui sont rivés à leur audioguide, ceux qui pontifient des heures à voix très haute, et je me laisse aspirer par le spirale blanche des galeries du musée. Et ce jour-là, je suis étourdie par un plateau de pêches peint par Cézanne. Imprévisible.

8. A Jadis, juste à côté du New Museum of Art (chouette librairie mais l'artiste du jour était assez indigeste), alors que la serveuse apportait nos verres de Prosecco, les invités d'une jeune fille qui fêtait son anniversaire firent leur entrée. Confortablement installés dans un grand canapé rien que pour nous, ce fut comme un petit spectacle: les embrassades enthousiastes, les petits cris de joie, les plateaux de petits fours qui arrivent, la façon précautionneuse dont les filles en robe précieuse s'en saisissent pour les immerger dans quelques sauces mystérieuses, les gens un peu perdus qui n'avaient l'air de ne connaître personne (là je me suis reconnue).

9. Avant de découvrir avec joie la librairie Mc Nally & Jackson, pendant que G. essayait un manteau à capuche que trois autres garçons ont alors également convoité, j'observais l'élégance discrète d'une New Yorkaise de mon âge. Cheveux souples et grandes lunettes années 70, robe en laine rose thé, elle essayait des mocassins compensés que personne d'autre n'aurait pu aussi bien porter qu'elle.

10. A 23 heures, au
Momofuku Milk Bar, la jeune fille qui me précède au comptoir fait un stock de truffes au chocolat. Elle se tourne vers moi et dans un grand sourire: "Et vous, lesquelles aimez-vous?" Je suis un peu embarrassée, je réponds que je ne les ai pas encore goûtées. Elle me dit "Vous ne pourrez que les aimer! Vous n'habitez pas le quartier?" Je ne pouvais pas encore savoir que le dessert qui me renverse chez Momofuku, celui dont j'ai encore très précisément en bouche la douceur et la subtilité, c'est le cereal milk soft serve. Il s'agit d'un petit pot de glace italienne immaculée dont chaque bouchée vous rappelle le goût d'un bol de corn flakes et donc tout ce qui va avec, un pull trop grand bien chaud, des chaussettes en grosse maille très douce, un canapé confortable, une chanson que vous aimez qui passe par hasard à la radio, la perspective d'une belle journée.
J'avoue que les nourritures servies chez
Momofuku sont assez séduisantes: pork buns bien chauds pour ouvrir l'appétit au Momofuku Noodle Bar (ce sont des petits sandwiches de pain chinois à la vapeur remplis de tendres et juteux morceaux de poitrine de porc laqué accompagnés de sauce hoisin et de rondelles de concombre mariné. Cela constitue pour moi un petit en-cas parfait après une séance de cinéma ou pour un dernier verre après une chouette soirée) ou poulpe snacké reposant sur une mystérieuse sauce extra-verte et recouvert de bacon atomisé au Momofuku Mà Pêche sont absolument exquis.


11. Au Schiller's, aux côtés d'universitaires barbus qui boivent un verre en grignotant du pain trempé dans de l'huile d'olive, je sirote un délicieux cocktail rose pâle qui s'appelle Casablanca (vodka vanille + coco + citron vert + grenadine).

12. Exposition temporaire Edward Hopper au Whitney Museum. J'apaise mon impatience en goûtant le burger du très chic café du musée aux alentours de 16 heures. Le pain était délicieux, avec un petit goût d'épices, des tomates confites et un chutney d'oignons s'affalent à l'intérieur, un ensemble très goûteux. L'exposition m'a serré le coeur, les personnages sont toujours si seuls dans l'encadrement des immeubles anonymes. G. pense que la grande femme blonde qui fume près de son lit sourit. Tant mieux.

13. Central Park était désert, à cause de la pluie. Il y avait quand même quelques écureuils esseulés et des oiseaux tranquilles. Traversée forcément romantique pour arriver au MET, que je ne pensais pas si grandiose.

14.Sur Elizabeth street, il a choisi une cravate à un vendeur qui lui ressemblait un peu et qui a eu plaisir à évoquer des vacances à Montpellier. Il adorait Brooklyn où habitaient ses parents et connaissait très bien les gens qui travaillent à The Farm. Il vendait des tablettes de chocolat
Mast Brothers et a griffonné sur un petit papier l'adresse d'un bar où il aimait bien boire un verre, pas très loin (Maxfish ça s'appelle).


Sur Elizabeth street aussi, j'ai acheté des chaussettes rayées (il y avait bleu marine/gris, moutarde/chocolat au lait ou bleu marine/rose) à une vendeuse qui voulait absolument
le tote bag de La Cocotte.

15. East Village, c'est vraiment un chouette quartier.

16. Près d'Union Square, un Cambodgien a ouvert une échoppe à sandwiches qui s'appelle
Num Pang ("pain" en cambodgien et num pang pâté veut dire sandwich au pâté, un classique de ma mère avec force sauce hoisin, sauce piment, salade, carottes rapées et rondelles de concombre les midis où elle n'avait pas le temps). Il est très dommage que le lieu ne soit pas vraiment confortable (quelques places sur des chaises de bar à l'étage) parce que les sandwiches sont délicieux (enfin, celui au porc aux cinq épices que j'ai goûté). Je suis surtout fascinée par le fait qu'un Cambodgien en soit à l'origine! Allez-y peut-être un mercredi pour profiter du marché d'Union Square où s'empilent les chaussons aux pommes fermiers, les pains au levain, les espèces rares de betteraves. Le miel des jardins communautaires new yorkais, vendu dans des petits ours en plastique souple, est absolument délicieux.

17. Le Noguchi Museum est au milieu de nulle part mais le magnolia blanc du jardin, les courbes lisses du marbre des sculptures de Noguchi, la grande salle claire à l'étage où l'on peut feuilleter des livres de design bien installé sur un canapé qu'il avait dessiné, valent largement le détour.

18. Dernières heures à new yorkaises après une semaine en Lousiane**, G. est au volant d'une voiture bleue, je suis émerveillée par les lumières de la ville. Les fenêtres de Manhattan vues depuis Brooklyn m'émeuvent comme autant de vies que je ne vivrai jamais.
Les valises abandonnées dans la chambre d'hôtel, nous nous dirigeons d'un pas pressé, affamé et excité, vers PJ Clarke's. On ne devine pas du tout quand on y entre, qu'après le videur qui surveille, le comptoir saturé et le juke box fréquenté, on puisse découvrir une salle toute calme, avec du bois partout et des nappes à carreaux rouges. On ne s'attend pas non plus à ce que le burger, servi jusqu'à deux-trois heures du matin soit absolument savoureux, frais, vivace. Incroyable. Soirée délicieuse à discuter et à se laisser envahir par l'émotion d'un retour new yorkais.
Le lendemain, sur le chemin du PS1, l'annexe du Moma, il y eut un petit-déjeuner mémorable dans un café de poche, Sweet Leaf. On peut y boire du thé (du vrai! Bonheur infini de siroter un Pu Ehr correctement infusé après quinze jours de Lipton Yellow approximatifs), le plus difficile reste de choisir la substance solide qui va l'accompagner. Ce furent une large part de cake à la banane recouvert d'éclats de chocolat et de noisettes et un petit gâteau à la cannelle, tout tendre, très doux, que G. a adoré. Service adorable.
Après le PS1 (librairie formidable), tournez à gauche puis encore à gauche, traversez. Passez devant une grande société de taxis jaunes, un pub, une épicerie, un cabinet de voyance et n'hésitez pas à aller déjeuner à
Sage General Store. A la fois rustiques et délicats, les plats sont préparés à partir de matières premières locales et cuites dans un grand four à bois pour ceux qui s'y prêtent. La pizza (de taille raisonnable avec deux oeufs sur le dessus, une sorte de petit fantasme pour moi!) me laisse un souvenir ému, tout comme la tarte au chocolat (toute légère et fraîche en bouche, on ne s'y attend pas du tout). Le BLT est indécemment dodu et le mac and cheese des voisins de gauche paraissait parfait. A droite, un couple se réveille avec un café et des tacos... C'était déjà la fin du voyage.


*J'ai pris le temps chaque jour de noter et dessiner aux feutres les diverses occupations de la journée, le contenu des assiettes notamment, forcément. Et puis j'ai gardé tous les tickets de musée, les cartes de restaurants, certains emballages de biscuits, des étiquettes... Collages à la colle blanche.

**Ceci fera l'objet d'un autre billet, afin de prévenir l'indigestion.

Q-Tea 19 rue Notre-Dame de Lorette
Purple Yam 1314 Courtelyou road
The farm on Adderley 1108 Courtelyou road
Shake Schack 366 Colombus avenue ou encore dans Madison Square Park
Salon Musa 156 Sullivan street
Bakeri 150 Wythe avenue
Jadis 42 Rivington street
Mac Nally & Jackson 52 Prince street
Momofuku Milk Bar 207 2nd avenue
Momofuku Noodle Bar 171 1st street
Momofuku Mà Pêche 15 W 56th street
Schiller's 131 Rivington street
Num Pang 21 E 12th street
PJ Clarke's 915 3rd avenue
Sweet Leaf 10-93 Jackson avenue
Sage General Store 24-20 Jackson avenue

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