C'est peut-être mieux comme ça (le coconut carrot cake qu'elle ne goûtera pas)

(Billet commencé jeudi soir, aux alentours de minuit)
Je rentre tout juste de Kontakthof dont c'était la première, ce soir au TNB.
J'étais au cinquième rang, sur la gauche, en face du cheval mécanique qu'enfourche avec une tristesse froide une jeune fille en robe violette qui avait demandé pour cela quelques piécettes à des spectateurs timorés.
Je porte une robe à manches courtes mais j'ai quand même très chaud, je cache mon argentique sous le trench posé sur mes genoux.
Ma voisine fait la conversation et j'acquiesce poliment: est-ce que j'ai vu le documentaire, est-ce que je suis abonnée au TNB, qu'est-ce que je fais dans la vie (là, elle a pris un air très étonné*), et ça me plaît ce que je fais dans la vie, est-ce que je sais qu'il y le même spectacle joué par des seniors, mais quand même ça doit être moins bien, c'est vraiment pas le même public que d'habitude, le décor est vraiment magnifique, on a de la chance d'être bien placé.
Elle m'apprend qu'elle a abandonné des études de biologie pour commencer un cursus d'arts du spectacle, parce qu'elle a mis du temps à admettre qu'elle était plutôt littéraire.
Et puis heureusement, le spectacle a commencé.
Au début, j'étais un peu décontenancée, il y avait beaucoup d'attente de ma part (sachez que pour avoir ma place, j'ai stagné une heure et demie devant la billeterie spécial étudiants où quatre pauvres places étaient disponibles pour la vingtaine de filles à lunettes carrées qui les convoitaient derrière leurs grands verres) et j'étais un peu angoissée, j'avais peur d'être déçue. Ce fut un peu le cas au début quand j'ai constaté que le rôle principal n'était pas tenu par Joy, cette grande fille diaphane qui m'avait tellement plu dans Tanztraüme, mais par une petite brune qui n'avait pas du tout sa fragilité particulière et magnétique.
J'ai quand même été très vite happée par la grâce et le rythme du spectacle, frais et enlevé, et si triste aussi, parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que des rencontres ratées, des amours manquées, des rendez-vous violents, des caresses maladroites. J'ai été très émue par leur salut final, heureux et épuisé.
J'ai trouvé que le public était injustement glacial et pincé alors j'ai vite filé dans la nuit pour ne pas entendre les conversations désagréables de sortie de spectacle.

Sinon, l'excellente et réjouissante nouvelle, c'est qu'après la soutenance d'un mémoire qui craint (pas comme ma mémoire, mais je ne sais plus si c'est une bonne chose), il y aura un avion pour New York au début du printemps! Alors si vous avez des conseils ou des adresses planquées, je serai très heureuse de les éprouver. Par le passé, à Amsterdam comme en Suède, les bons plans des lecteurs ont toujours été à la hauteur... Merci d'avance!
Je rentre tout juste de Kontakthof dont c'était la première, ce soir au TNB.
J'étais au cinquième rang, sur la gauche, en face du cheval mécanique qu'enfourche avec une tristesse froide une jeune fille en robe violette qui avait demandé pour cela quelques piécettes à des spectateurs timorés.
Je porte une robe à manches courtes mais j'ai quand même très chaud, je cache mon argentique sous le trench posé sur mes genoux.
Ma voisine fait la conversation et j'acquiesce poliment: est-ce que j'ai vu le documentaire, est-ce que je suis abonnée au TNB, qu'est-ce que je fais dans la vie (là, elle a pris un air très étonné*), et ça me plaît ce que je fais dans la vie, est-ce que je sais qu'il y le même spectacle joué par des seniors, mais quand même ça doit être moins bien, c'est vraiment pas le même public que d'habitude, le décor est vraiment magnifique, on a de la chance d'être bien placé.
Elle m'apprend qu'elle a abandonné des études de biologie pour commencer un cursus d'arts du spectacle, parce qu'elle a mis du temps à admettre qu'elle était plutôt littéraire.
Et puis heureusement, le spectacle a commencé.
Au début, j'étais un peu décontenancée, il y avait beaucoup d'attente de ma part (sachez que pour avoir ma place, j'ai stagné une heure et demie devant la billeterie spécial étudiants où quatre pauvres places étaient disponibles pour la vingtaine de filles à lunettes carrées qui les convoitaient derrière leurs grands verres) et j'étais un peu angoissée, j'avais peur d'être déçue. Ce fut un peu le cas au début quand j'ai constaté que le rôle principal n'était pas tenu par Joy, cette grande fille diaphane qui m'avait tellement plu dans Tanztraüme, mais par une petite brune qui n'avait pas du tout sa fragilité particulière et magnétique.
J'ai quand même été très vite happée par la grâce et le rythme du spectacle, frais et enlevé, et si triste aussi, parce que j'ai l'impression qu'il n'y a que des rencontres ratées, des amours manquées, des rendez-vous violents, des caresses maladroites. J'ai été très émue par leur salut final, heureux et épuisé.
J'ai trouvé que le public était injustement glacial et pincé alors j'ai vite filé dans la nuit pour ne pas entendre les conversations désagréables de sortie de spectacle.
A la maison, j'ai grignoté du cake au chocolat et au citron en repensant à cette façon si particulière qu'ils avaient de se toucher le lobe de l'oreille ou une mèche de cheveux.
****
Un samedi, je me suis dépêchée de foncer à la librairie avant qu'elle ne ferme et que je me retrouve en rade de roman pendant le week end (et donc contrainte à finir un des livres que j'empile sur l'étagère maudite et honteuse, par exemple la vie d'Harold Pinter par Antonia Fraser, commencé sur la plage à Biarritz, laborieusement poursuivi dans l'avion qui allait en Suède puis lamentablement oublié au fond de la valise pour cause d'agacement prononcé).
Je n'avais pas d'idées précises en tête, j'aurais bien aimé quelque chose d'aussi délicieusement écrit que les magnifiques textes d'Hervé Guibert sur la photographie que je lis avec fascination et émotion un peu chaque jour.
Alors que je parcours les étagères de littérature étrangère, la gentille libraire (celle avec les cheveux tout frisés et des jolies lunettes, pas celle avec les longs cheveux lisses qui se moquait l'autre jour d'un ado qui lui avait demandé s'ils avaient en rayon Ulysse et le lycée) vient me saluer et même s'enquérir de ma santé (c'est comme ça que je comprends "Vous allez bien?" mais ça doit être une déformation professionnelle). Du coup, je fais ce que je ne fais jamais, je demande si elle a lu des trucs trop bien dernièrement. Elle me sort alors plein de beaux romans et les défend avec beaucoup d'enthousiasme sans jamais avoir l'air niaise, ce qui est très appréciable. Je dis un peu ce que j'aime et elle affine ses conseils. Je n'aurais jamais cru avoir cet accueil dans une grande librairie comme celle-là. Je me dis que la libraire m'aime bien parce que nous avions très longuement parlé, avec un enthousiasme partagé, du travail de Martine Camillieri quand son livre sur les doudous était sorti. Du coup, quand elle m'offre une jolie boîte de chez Zulma et l'affiche qui fête leur vingt ans d'existence, je suis ravie et surprise parce que j'ai toujours peur que les gens me trouvent insupportable et que toute marque de gentillesse me liquéfie un peu, surtout parce qu'elle dit "J'attendais d'avoir quelqu'un de bien pour offrir la boîte et je crois que c'est vous".
Une fois rentrée à la maison, je raconte cette petite aventure à G. et je me rends compte que j'aimerais bien mieux connaître la libraire. Je pourrais l'inviter à boire un thé, ça ne paraît pas trop compliqué. Et puis je lui ferais du coconut carrot cake.
****
Le coconut carrot cake est très librement inspiré du cake à la carotte violette et à la noix de coco de Lilo. Il réalise tous mes souhaits concernant le carott cake parfait: quelque chose de très moelleux, presque humide, délicatement parfumé à la cannelle, sans fruits secs et avec un très discret goût de carotte. L'ajout de noix de coco est pour moi miraculeux!
Comme G. ne se plie au gâteau à la carotte qu'en présence d'un glaçage, celui-ci a été improvisé en fouettant du fromage frais avec du sucre glace et du jus de citron. Il en fut absolument ravi.
Bien que les carotte Purple Haze se trouvent très facilement au marché, j'ai choisi des carotte classiques élevées au grand air de l'île de Batz.
Pour un petit moule de 20cm de diamètre
-170g de carottes râpées finement
-100g de farine (ici T80)
-150g de sucre blond de canne
-60g de noix de coco (merci Chris!)
-120g de beurre demi-sel fondu
-2 oeufs
-1cc bombée de levure
-1cc bombée de cannelle
Préchauffer le four à 180°.
Mélanger la farine, la levure, la noix de coco, le sucre et la cannelle.
Faire un puits et y verser le beurre fondu. Mélanger.
Ajouter les oeufs un à un puis les carottes
Verser la préparation dans un moule beurré et fariné ou recouvert de papier sulfurisé.
Faire cuire environ 40 minutes.
J'ai trouvé que c'était meilleur froid. Vous me direz!
****
Evidemment, je n'oserai jamais inviter la libraire. C'est n'importe quoi.
****
Un samedi, je me suis dépêchée de foncer à la librairie avant qu'elle ne ferme et que je me retrouve en rade de roman pendant le week end (et donc contrainte à finir un des livres que j'empile sur l'étagère maudite et honteuse, par exemple la vie d'Harold Pinter par Antonia Fraser, commencé sur la plage à Biarritz, laborieusement poursuivi dans l'avion qui allait en Suède puis lamentablement oublié au fond de la valise pour cause d'agacement prononcé).
Je n'avais pas d'idées précises en tête, j'aurais bien aimé quelque chose d'aussi délicieusement écrit que les magnifiques textes d'Hervé Guibert sur la photographie que je lis avec fascination et émotion un peu chaque jour.
Alors que je parcours les étagères de littérature étrangère, la gentille libraire (celle avec les cheveux tout frisés et des jolies lunettes, pas celle avec les longs cheveux lisses qui se moquait l'autre jour d'un ado qui lui avait demandé s'ils avaient en rayon Ulysse et le lycée) vient me saluer et même s'enquérir de ma santé (c'est comme ça que je comprends "Vous allez bien?" mais ça doit être une déformation professionnelle). Du coup, je fais ce que je ne fais jamais, je demande si elle a lu des trucs trop bien dernièrement. Elle me sort alors plein de beaux romans et les défend avec beaucoup d'enthousiasme sans jamais avoir l'air niaise, ce qui est très appréciable. Je dis un peu ce que j'aime et elle affine ses conseils. Je n'aurais jamais cru avoir cet accueil dans une grande librairie comme celle-là. Je me dis que la libraire m'aime bien parce que nous avions très longuement parlé, avec un enthousiasme partagé, du travail de Martine Camillieri quand son livre sur les doudous était sorti. Du coup, quand elle m'offre une jolie boîte de chez Zulma et l'affiche qui fête leur vingt ans d'existence, je suis ravie et surprise parce que j'ai toujours peur que les gens me trouvent insupportable et que toute marque de gentillesse me liquéfie un peu, surtout parce qu'elle dit "J'attendais d'avoir quelqu'un de bien pour offrir la boîte et je crois que c'est vous".
Une fois rentrée à la maison, je raconte cette petite aventure à G. et je me rends compte que j'aimerais bien mieux connaître la libraire. Je pourrais l'inviter à boire un thé, ça ne paraît pas trop compliqué. Et puis je lui ferais du coconut carrot cake.
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Le coconut carrot cake est très librement inspiré du cake à la carotte violette et à la noix de coco de Lilo. Il réalise tous mes souhaits concernant le carott cake parfait: quelque chose de très moelleux, presque humide, délicatement parfumé à la cannelle, sans fruits secs et avec un très discret goût de carotte. L'ajout de noix de coco est pour moi miraculeux!
Comme G. ne se plie au gâteau à la carotte qu'en présence d'un glaçage, celui-ci a été improvisé en fouettant du fromage frais avec du sucre glace et du jus de citron. Il en fut absolument ravi.
Bien que les carotte Purple Haze se trouvent très facilement au marché, j'ai choisi des carotte classiques élevées au grand air de l'île de Batz.
Pour un petit moule de 20cm de diamètre
-170g de carottes râpées finement
-100g de farine (ici T80)
-150g de sucre blond de canne
-60g de noix de coco (merci Chris!)
-120g de beurre demi-sel fondu
-2 oeufs
-1cc bombée de levure
-1cc bombée de cannelle
Préchauffer le four à 180°.
Mélanger la farine, la levure, la noix de coco, le sucre et la cannelle.
Faire un puits et y verser le beurre fondu. Mélanger.
Ajouter les oeufs un à un puis les carottes
Verser la préparation dans un moule beurré et fariné ou recouvert de papier sulfurisé.
Faire cuire environ 40 minutes.
J'ai trouvé que c'était meilleur froid. Vous me direz!
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Evidemment, je n'oserai jamais inviter la libraire. C'est n'importe quoi.
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Sinon, l'excellente et réjouissante nouvelle, c'est qu'après la soutenance d'un mémoire qui craint (pas comme ma mémoire, mais je ne sais plus si c'est une bonne chose), il y aura un avion pour New York au début du printemps! Alors si vous avez des conseils ou des adresses planquées, je serai très heureuse de les éprouver. Par le passé, à Amsterdam comme en Suède, les bons plans des lecteurs ont toujours été à la hauteur... Merci d'avance!
*quand il s'agit de deviner quel est mon métier, les gens disent des choses aussi différentes et étonnantes que: architecte, femme de ménage, artiste ou pédiatre (ah! presque). J'aime bien que cela ne se voit pas, et qu'il y ait un petit mystère.