Les cafés qui tiédissent (il s'agira également de spaghettis aux coques et aux langoustines)
En 1997, l'année où Le goût de la cerise (d'Abbas Kiarostami) partage la Palme d'Or avec L'anguille (de Shoei Imamura), l'année où Gustavo Kuerten (20 ans) remporte Roland Garros face à Sergi Brugera (26 ans), l'année où j'ai envie de mourir à peu près quinze fois par jour si j'en crois mon journal, Vincent Delerm, lui, donne un concert déjà sensationnel quand on connait la suite des évènements le concernant, dans une salle de Louviers (32km au sud de Rouen, 17000 habitants).
Lors de ce concert, devant un public conquis d'après les quelques témoignages recueillis çà et là avec une certaine jalousie, il chante une petite chanson qui ne figurera ensuite sur aucun disque. C'est une chanson qui raconte ce que l'on peut éprouver en retrouvant, longtemps après qu'ils se soient produits, les minuscules traces tangibles d'évènements suffisamment intimes pour provoquer une sorte de microscopique douleur, un sourire définitivement crispé, un petit goût de brûlé sous la madeleine achetée dans une boulangerie désuète alors qu'on se promène seul dans une ville que l'on a quittée il y a longtemps sans jusqu'ici oser y revenir, tout ce qui laisse une petite cicatrice.
Pour Vincent Delerm, il s'agit d'un ticket de cinéma pour un film de Woody Allen à côté de sa carte d'étudiant ou un petit bout de mimosa mis à sécher dans un dictionnaire lors de vacances d'été au bord de la Garonne, et le tout aurait le goût à la fois discrètement amer de la réglisse et acide des diabolos cassis. Il a vraiment le chic pour évoquer en peu de mots des sentiments qui me sont terriblement familiers et c'est probablement ce qui provoque mon addiction définitive. En tout cas, cette chanson me poursuit un peu lors de ces longues journées d'été emplies de l'impatience des vacances à venir, moi qui conserve absolument tout, les petits mots griffonnés le lendemain d'une dispute, les longues lettres de précieux absents, les listes de courses, les cartes de restaurant où se sont dites des choses importantes, les papiers cadeaux et les photos floues, les échantillons de parfum et même un bracelet brésilien.
Ainsi, je fredonne partout cette chanson un peu triste... Je ne sais pas bien si c'est à cause du métier que j'ai choisi de faire ou une prédisposition plus ancienne, mais j'ai l'impression que je ne cesserai jamais de considérer les choses, passées et présentes, avec un voile de gravité.
Sinon, Xavier Dolan m'énerve! Il a beau aimer Titanic et porter des casquettes, je suis hyper envieuse. Envieuse du rôle magnifique qu'il a su donner à Melvil Poupaud qui n'était plus vraiment très intéressant depuis Conte d'Été et qui fait ici preuve, pendant deux heures quarante, d'une détermination et d'une retenue assez fascinantes. Envieuse de son sens du montage rythmé et langoureux à la fois, extatique et désespéré, hyper subtil dans ses transitions ellipsées. Envieuse de son élégance qui ne fait jamais le choix du plan racoleur, envieuse de sa délicatesse quand il s'agit des sentiments. Envieuse aussi de ses 23 ans!
Dans Laurence Anyways, il raconte un amour impossible et je ressens tout très fort. La douche froide qui submerge Fred, la pluie de feuilles mortes qui s'abat sur Laurence qui n'arrive pas à sortir de l'automne d'une vie en impasse, la neige sur la maison des Trois Rivières et sa pierre peinte en rose, la scène de fête incroyable, la robe à paillettes, la musique enlevée et désuète à la fois.
Laurence Anyways raconte que l'amour fait mal mais que la douleur de l'amour prouve aussi que l'amour est encore vivant.
Ce soir-là, nous avons préparé des spaghettis aux coques et aux langoustines et c'était assez délicieux.
Spaghettis aux coques et aux langoustines
Pour deux personnes
- la quantité de spaghettis qui vous convient mais vous n'avez pas le droit de faire l'impasse sur leur qualité
- deux gousses d'ail nouveau et replet émincées finement
- du persil plat haché grossièrement au couteau
- du vin blanc
- une dizaine de langoustines
- un kilo de coques débarrassées de leur sable
- de l'huile d'olive
- du poivre du moulin ou du piment en poudre
Faire cuire les spaghettis dans une grande quantité d'eau bouillante à peine salée.
Dans une grande casserole, faire revenir la moitié de l'ail dans de l'huile d'olive, y verser les coques puis le vin blanc. Laisser les coques s'ouvrir à feu vif. Dès qu'elles ont toutes ouvertes, retirer la casserole du feu, décoquiller presque toutes les coques, les maintenir au chaud, ainsi que le jus de cuisson.
Dans une grande poêle, faire revenir le reste de l'ail et un peu de persil dans de l'huile d'olive, y ajouter les langoustines, verser un peu de vin blanc.
Ajouter les spaghettis désormais cuits aux langoustines, puis ajouter les coques et leur jus de cuisson. Bien mélanger le tout. Disperser une bonne poignée de persil, un ou deux tours de moulin à poivre, mélanger et servir dans des assiettes bien chaudes.
J'ai déjà envie d'en refaire!
Ainsi, je fredonne partout cette chanson un peu triste... Je ne sais pas bien si c'est à cause du métier que j'ai choisi de faire ou une prédisposition plus ancienne, mais j'ai l'impression que je ne cesserai jamais de considérer les choses, passées et présentes, avec un voile de gravité.
Sinon, Xavier Dolan m'énerve! Il a beau aimer Titanic et porter des casquettes, je suis hyper envieuse. Envieuse du rôle magnifique qu'il a su donner à Melvil Poupaud qui n'était plus vraiment très intéressant depuis Conte d'Été et qui fait ici preuve, pendant deux heures quarante, d'une détermination et d'une retenue assez fascinantes. Envieuse de son sens du montage rythmé et langoureux à la fois, extatique et désespéré, hyper subtil dans ses transitions ellipsées. Envieuse de son élégance qui ne fait jamais le choix du plan racoleur, envieuse de sa délicatesse quand il s'agit des sentiments. Envieuse aussi de ses 23 ans!
Dans Laurence Anyways, il raconte un amour impossible et je ressens tout très fort. La douche froide qui submerge Fred, la pluie de feuilles mortes qui s'abat sur Laurence qui n'arrive pas à sortir de l'automne d'une vie en impasse, la neige sur la maison des Trois Rivières et sa pierre peinte en rose, la scène de fête incroyable, la robe à paillettes, la musique enlevée et désuète à la fois.
Laurence Anyways raconte que l'amour fait mal mais que la douleur de l'amour prouve aussi que l'amour est encore vivant.
Ce soir-là, nous avons préparé des spaghettis aux coques et aux langoustines et c'était assez délicieux.
Spaghettis aux coques et aux langoustines
Pour deux personnes
- la quantité de spaghettis qui vous convient mais vous n'avez pas le droit de faire l'impasse sur leur qualité
- deux gousses d'ail nouveau et replet émincées finement
- du persil plat haché grossièrement au couteau
- du vin blanc
- une dizaine de langoustines
- un kilo de coques débarrassées de leur sable
- de l'huile d'olive
- du poivre du moulin ou du piment en poudre
Faire cuire les spaghettis dans une grande quantité d'eau bouillante à peine salée.
Dans une grande casserole, faire revenir la moitié de l'ail dans de l'huile d'olive, y verser les coques puis le vin blanc. Laisser les coques s'ouvrir à feu vif. Dès qu'elles ont toutes ouvertes, retirer la casserole du feu, décoquiller presque toutes les coques, les maintenir au chaud, ainsi que le jus de cuisson.
Dans une grande poêle, faire revenir le reste de l'ail et un peu de persil dans de l'huile d'olive, y ajouter les langoustines, verser un peu de vin blanc.
Ajouter les spaghettis désormais cuits aux langoustines, puis ajouter les coques et leur jus de cuisson. Bien mélanger le tout. Disperser une bonne poignée de persil, un ou deux tours de moulin à poivre, mélanger et servir dans des assiettes bien chaudes.
J'ai déjà envie d'en refaire!
Libellés : adolescence, cinéma, Melvil Poupaud, Minolta, pâtes, recette, Vincent Delerm, Xavier Dolan
17 Comments:
Joli, c'est vrai qu'on oublie souvent que dans un plat de pâtes, ce sont elles les plus importantes...
J'ai aussi mis la main sur les chansons du concert de Louviers grace a un fan de la premiere heure et je les avais adorees. Je m'etais dit que c'etait dingue d'avoir autant de talent si jeune parce que V.D avait a peine 20 ans je pense.
J'ai particulierement aime la chanson sur les films de Audiard, je l'avais trouve tres cinematographique, un peu comme un film chante.
merci pour ce billet je te souhaite que le temps passe bien vite d'ici votre depart en vacances !
J'aime comme tu parles de Vincent Delerm; j'ai du mal à supporter celui qui chante dans la vraie vie, mais celui que tu évoques si bien me semble bourré de talent et plein de charme! ;) Et j'ai très envie de ces spaghettis!
Ah ben, voilà, j'ai une recette pour goûter des langoustines, en prévision de notre prochain séjour breton. Je ne connaissais pas cette pépite de Delerm. Mes livres sont truffés de tickets, de dépliants de musées, et que c'est bon de retrouver tout ça. Je ne mets presque jamais les pieds dans la ville où j'ai étudié le droit, douloureusement. Une petite cicatrice, c'est ça. Merci...
Point que le coeur à panser en cette soirée enfin estivale à bruxelles,
une quadruple cicatrice ajoutée à mon palmarès :-(
Quel bonheur de vous lire = vos mots me réchauffent. MERCI.
Et je me lèche les babines, ah! les langoustines. Déjà addict aux spaghettis alla vongole.
merci de nous faire aimer Vincent Delerm. Sans la lecture de ce blog, je ne m'y serais jamais plongée. Quant aux spaghetti...
Pat CDM: j'ai pris des Rustichella d'Abruzzo, mes préférées...
Poppilita: il a une façon de chanter déjà très particulière, je comprends que certaines personnes y soient réticentes, moi je trouve ça très touchant... J'aime bien la chanson qui dit "En fonction de ce que dit Murielle/Elle changera d'avis dans l'heure/Elle ressemble aux pages culturelles/Du Nouvel Observateur"...
Agnès: non mais ça se trouve, il est super décevant dans la vraie vie (non, je n'y crois pas du tout :))
Marie: oui, en te lisant, je sais que tu peux très bien comprendre les petites cicatrices...
Karin: merci à vous. J'étais un peu triste aussi les temps derniers malgré beaucoup de réjouissances...
Christine: et pourtant, je sais qu'il n'est pas évident d'aimer Vincent Delerm :)
Coucou Patoumi !
En tous cas, moi qui ai eu l'occasion de rencontrer ses parents (dans une suite de péripéties plus invraisemblables les unes que les autres !) et de discuter un bon moment avec eux, je peux toujours te dire que "dans la vraie vie" il semble être un fils aimant et très attentionné. ;-)
Sinon, hummm les pâtes aux coquillages... J'adore la version moules et huile au basilic de Jamie Oliver qui est un hit estival à la maison mais quand j'utilise des palourdes pour cuisiner la recette classique, j'applique toujours l'astuce trouvée un jour dans La Cuillère d'Argent et que je me permets de te transmettre car cette petite technique apporte un vrai plus. Alors, comme les italiens : « Pour des vermicelli aux palourdes parfaits, il faut égoutter les pâtes à mi-cuisson, puis les mettre dans la casserole avec les palourdes jusqu'à la fin de la cuisson. Les pâtes absorbent ainsi le jus des palourdes et gagnent en saveur. »
Enjoy !
Julie: en fait, je les égoutte deux minutes avant le temps indiqué sur le paquet... Sinon, je suis pas très très fan de Jamie...
"Sa vraie vie", ça reste pour moi un truc irreprésentable parce que non partageable même si à chaque fois que je l'ai vu il était chouette et que tous ceux de on entourage qui l'ont fréquenté parfois de très près me disent "Non, mais il est super gentil"...
Bonsoir Patoumi,
Pour la recette, je pense qu' il ne faut pas confondre palourdes & coques.
Quant à moi, pour cette recette de "spaghetti alle vongolle", je me sers de clovisses.
Merci pour tes chroniques, toujours très littéraires, même si je ne comprends pas ton addiction à Vincent Delerm qui m' insupporte: comment prétendre chanter ou plutôt chantonner avec si peu de voix...
Par contre j' aime à lire son père, Philippe, auteur tout en finesse.
Jean-Paul
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
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Jean-Paul: je n'ai pas bien compris où était la confusion palourdes/coques puisque le titre indique qu'il s'agit de coques et que je n'ai parlé nulle part de spaghetti alle vongole dans ce billet...
Je trouve ça bien que les gens n'aiment pas tous Vincent Delerm, le contraire m'inquiéterait :) D'une manière générale, je n'aime pas trop les chanteurs "à voix", je suis davantage touchée par la façon de prononcer certains mots, certaines phrases, et j'aime la retenue aussi en chanson.
Vous êtes chic de bien aimer ce que j'écris même si j'essaie pourtant de n'être jamais littéraire (par ailleurs, j'écris presque toujours d'un jet avec peu de retouches)
(comme souvent... j'aime tellement te lire!)
Les impressions de l'été... sentir cette minuscule cicatrice lorsque l'on tombe sur ce vieux foulard que l'on pensait avoir donné, une lettre de A. qui n'a rien à faire dans ce tiroir (ses lettres -précieuses!- sont toutes rangées dans une jolie boîte dans laquelle j'avais reçu un improbable gilet violet pour mes 15 ans). Vincent a toujours une façon simple et délicate de raconter ces choses là.
Chez nous, l'été est d'autant plus triste que notre cinéma fétiche est fermé jusqu'à la rentrée et qu'il est difficile de voir de chouettes films... d'autant plus pressée de voir arriver la fin de l'été...
Je te souhaite un mois d'août doux et fou, Patoumi!
http://next.liberation.fr/cinema/2012/07/15/xavier-dolan-100-cinema_833456
tu l avais lu ?
Les chéchés: merci pour le souhait très doux!
Quand j'ai découvert le cinéma L'Utopia à Bordeaux, avec ses salles magnifiques, sa programmation engagée et distinguée, son joli café, sa gazette..., ça m'a fendu le coeur de penser à la mortification des salles rennaises...
Poppilita: et bien non!
Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.
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